Site le plus visité du Var, l’abbaye du Thoronet est l’une des trois seules abbayes cisterciennes de Provence, avec celle de Sénanque située dans le Vaucluse et celle de Silvacane située dans les Bouches-du-Rhône. On regroupe d’ailleurs les trois sites sous l’affectueuse appellation des « trois petites sœurs provençales »
Fondée au 12e siècle par une petite communauté d’une vingtaine de moines seulement, l’abbaye du Thoronet est le second plus ancien site cistercien de Provence. Le plus ancien est l’abbaye Sainte-Marie-de-Florièyes de Tourtour dans le Var, où s’installa d’abord la petite communauté fondatrice du Thoronet, en provenance de l’abbaye de Marzan en Ardèche. Les moines ne restèrent à Tourtour que quelques années, avant de se déplacer sur le site boisé du Thoronet plus adapté aux attentes et aux besoins de leur vie en communauté, notamment grâce à la présence de plusieurs sources d’eau.
Au 13e siècle, l’abbaye est prospère : si son économie propre est basée sur l’agriculture et l’élevage, elle reçoit également des dons importants de la part des seigneurs de Castellane. Elle possède des territoires nombreux et stratégiques, comme les marais salants de Marignane sur le littoral ou de l’étang de Berre. La communauté provençale de moines cisterciens est une actrice centrale du commerce local notamment à travers sa production de sel et son activité d’élevage de moutons. Sa puissance et sa prospérité sont à l’image de la puissance générale de l’ordre cistercien dans la chrétienté au cours des 12e et 13e siècle.
Son déclin débute au 14e siècle, à l’instar de nombreux monastères cisterciens touchés tour à tour par les difficultés économiques et les dégradations pendant la Guerre de Cent Ans, par la Grande Peste qui décima les communautés religieuses au même titre que les populations de civils, par la crise pontificale du Grand Schisme d’occident, et par de profondes crises internes liées à la réforme catholique. Le 18e siècle signe le crépuscule de l’ordre, marqué notamment par le vote de sa suppression par l’Assemblée Nationale en 1790.
Après une période de grande prospérité, l’abbaye de Thoronet est donc touchée comme les autres sites cisterciens par les crises internes et les guerres de religion. En 1660, le prieur de l’abbaye témoigne de l’état inquiétant de délabrement des bâtiments et de la nécessité grandissante de travaux de restauration. Trente ans plus tard, des témoignages évoquent des menuiseries cassées et délabrées ainsi que des effondrements de parties de toiture.
À la fin du 18e siècle, après la révolution, l’abbaye de Thoronet abrite pourtant encore une poignée de moines : sept religieux âgés vivant dans des conditions miséreuses.
En 1791, l’abbaye est vendue comme bien national mais continue de se délabrer. Les habitants des villages alentours viennent se servir en pierres comme dans une carrière en libre accès. En 1854, elle est rachetée par l’Etat : découverte par Prosper Mérimée qui signale son état à l’architecte des Monuments Historiques de l’époque, Henri Révoil, elle commence à bénéficier de premiers travaux de sécurisation et de restauration en 1873. L’essentiel du chantier de restauration sera entrepris à partir de 1906 par l’architecte et archéologue Jules Formigé, spécialisé dans les monuments du Midi de la France.
L’abbaye du Thoronet se distingue par son architecture romane stricte : du dosage des sources lumineuses à la rigueur des lignes architecturales en passant par l’acoustique de l’abbatiale, tout y est pensé en pleine conformité avec l’esprit d’origine de l’ordre cistercien.
Si le scriptorium, les cuisines ou encore le réfectoire ont malheureusement disparu, le site conserve intacts le cloître trapézoïdal et son lavatorium central, l'église abbatiale, la salle capitulaire, le dortoir et le cellier.